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                                            Cette forêt de mélèzes et de pins partage un lien
puissant avec le village de Chaudun.
Lorsque sa centaine d'habitants
le quitte le 1er avril 1896, c'est après
avoir vendu ses terres à l'Etat pour 180 000 francs. Jusqu'en 1913, les Eaux et Forêts y plantent quelque 4 millions d'arbres.
Une telle luxuriance est donc trompeuse.
C'est bien dans un environnement désolé, une terre infertile, que l'on soupçonne encore aujourd'hui sur le versant opposé, qu'ont vécu les Chaudunois des siècles durant. Le diaporama qui suit, avec des photographies prises à la fin du XIXe siècle, illustre sans peine cette réalité d'antan.

                                 Au col de Chabanottes (1 663 m), entre aiguille

                                    de Gleize                         et pic Melette,

                                       la voie                          à suivre pour rallier

                                         Chaudun                             s'annonce.

                                  Une descente                               de plus de 300 m

                                 de dénivelé en                            sous-bois s'engage alors. 

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                                  Aussi sombre que ce passé apparaisse,                                 difficile de le garder longtemps à l'esprit sous un                    ciel d'un bleu immaculé. Par un vent léger atténuant                  l'ardeur naissante du soleil, le chemin s'emprunte au son             de la stridulation du grillon et du criquet bariolé.

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 La marche à peine engagée, elle apparaît,
 grande, noire, frappée d'une date : 1896.
 La légende populaire la veut souvenir du destin
 malheureux d'une Chaudunoise, partie quérir
 médecine pour sa mère souffrante.
 En plein hiver, le froid et la neige auraient 
 eu raison des efforts de la jeune fille.


 Pierre Faure, de l'Association de sauvegarde
 du patrimoine du pays du Buëch et des
 Baronnies, ne rejette pas cette version,
 que rien cependant ne vient attester.
 "L'autre possibilité est qu'elle ait été
 installée pour marquer l'abandon 
 de Chaudun par ses habitants."


 Réelle ou symbolique, c'est bien d'une mort
 dont il s'agit, soufflant au randonneur
 qu'il s'engage sur un sentier de souffrance.

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La voiture garée au col de Gleize à 1 696 m,

la piste forestière s'emprunte à pied,

à l'entrée de la forêt domaniale de Gap - Chaudun

ou périr

Chaudun

Une seule alternative,

partir

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 Alors que les lacets s'enchaînent,  que les monts alentour mangent  l'horizon en même temps  qu'approche le fond de vallée, la  réflexion de Pierre Faure  s'impose comme une évidence :  "Pourquoi des gens sont-ils allés  vivre  là-haut ? C'est ça, la vraie  question." Le village est fondé en  1593, à proximité d'un premier  établissement dont il ne subsiste  aujourd'hui qu'une colonne de  pierre, angle d'un mur de  quelque bâtisse disparue.

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Le tintement d'une cloche de vache et le bourdonnement grandissant d'un cours d'eau
en contrebas ne laissent guère de doute.
Après une bonne heure d'un pas tranquille,
un pont de pierre au confluent du Petit Buëch
et du torrent de Chanebière ouvre sur Chaudun.
Pour être juste, sur des amas dispersés de pierres
​en vrac, jadis maisons aux toits de chaume que dissimule une végétation qui de longtemps
a repris ses droits.

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A vous de jouer... de la molette, pour 7 mn 30 de randonnée (sonore)

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Pendant quatre siècles, peu ou prou une centaine de montagnards a ainsi vécu à l'ombre du roc de l'Aigle (1 675 m). "Les familles subsistaient en autarcie. Chacune avait quelques moutons et se devait de bien les soigner, indique Pierre Faure. Les Chaudunois
en ont gagné une réputation de bons éleveurs,
que certains allaient monnayer dans le Sud,
comme saisonniers". Cette ouverture sur
l'ailleurs, grâce au chemin de fer, leur a
vite fait prendre conscience de la misère de
leur existence.

 Aujourd'hui, deux  bâtisses restaurées  en 1994, gîte de  l'ONF et maison  forestière,  rappellent que 25  demeures se  dressaient encore de  ce côté-ci du torrent  de Chanebière au  crépuscule du XIXe  siècle. 

              Chaudun comptait un second

pont de pierre sur le torrent

de Chanebière, ralliant sa rive

gauche. Il permettait aux villageois

de se rendre facilement

à l'église et son cimetière.

Il y a encore près d'un siècle, au sommet de ce mur de soutènement, se dressait l'église de Chaudun, royaume de Dieu, et du curé Robert, dernier ministre du culte du village. "Il avait été envoyé à Chaudun comme en pénitence et s'y sentait enterré vivant", note Pierre Faure. La mémoire orale dit que c'est lui qui aurait décidé les habitants à partir, notamment pour l'Algérie. "On a voulu lui mettre ça sur le dos, mais son désir a sans doute seulement rejoint celui, tout aussi profond, des habitants, atténue celui qui a longuement compulsé les archives relatives au village. Il faut garder à l'esprit que les années qui ont suivi l'abandon de Chaudun étaient une période de fort anticléricalisme." 

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Né le 15 juillet 1895, Laurent Joseph Léopold Albert Marin est le dernier enfant baptisé dans l'église de Chaudun. Marié en 1916, à Saint-Rémy, il décèdera à Gap à l'âge de 79 ans, le 28 mai 1975.

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Avant de quitter leur village début 1896, les Chaudunois ont laissé un dernier témoignage de leur vie sur ces terres devenues presque incultes à force de sollicitation. De cette construction, il ne reste que la façade restaurée.

CHAPELLE

COMMEMORATIVE

DE CHAUDUN

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  Le cimetière. C'est ici que les Chaudunois reposaient en paix, et qu'ils y  reposent encore. "Il n'y a pas eu d'exhumations", précise Pierre Faure. En  2007, l'enceinte a été restaurée : "Les descendants s'étaient émus du fait  que le bétail allait et venait à l'intérieur, piétinant les tombes." Des  sépultures tout ce qu'il y a de plus modeste, marquées à l'époque de  simples croix de bois aujourd'hui disparues. Toutefois, en cherchant bien  entre les herbes hautes, une stèle funéraire surgit du temps passé.

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Cette pierre tombale a été frappée à l'intention de
Félicie Marin, mise
en terre "le 30
avril 1877 à l'âge
de 17 ans". "Priez
pour elle", peut-on
encore déchiffrer
​à son pied.

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Le pont repassé, il ne faut pas quitter

Chaudun sans s'aventurer un peu derrière

le gîte et la maison forestière.

Le randonneur concentré sur sa marche

n'y verra que du feu, mais un oeil attentif

découvrira un sol scarifié, parsemé de trous

empierrés, rappelant les vestiges des villages

martyrs de la Première Guerre mondiale.

Ici, point d'obus, mais les sous-sols

de chaumières victimes du temps qui passe

et de l'arasement des derniers pans de murs

encore debout à l'automne 2006.

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Dans ces maisons vécurent des Bonnardel, des
​Laurens, des Marin, Villard, Chabre ou encore Marcellin ou Chaix. Ils étaient éleveurs et cultivateurs, mais aussi écolière, instituteur, garde champêtre, berger ou domestique,                       ménagère, nourrice et facteur. La rudesse

  de la vie quotidienne et l'appel de la modernité

les poussèrent au départ.

Le 28 octobre 1888,
soutenus par leur curé, les habitants sollicitent le
rachat de leur village auprès
du ministère de
l'Agriculture. Vivant"presque au jour le jour", dans "la plus triste misère", ils s'avouent "vaincus par l'indigence". Fin 1895, les Chaudunois sont désormais Gapençais. "L'argent touché représentait des sommes correctes, estime Pierre Faure. Pour beaucoup, ils ont racheté des propriétés valant bien plus que leurs terres de Chaudun".

Ils empruntèrent alors la

piste du col de Chabanottes,

construite de leurs propres mains

entre les années 1850 et 1890,

inconscient aveu d'une irrépressible

volonté de départ.

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 Réalisation, photos, sons, textes,  vidéos : Vincent DANET


 Documents : Archives
 départementales des Hautes-Alpes